Pourquoi un opérateur de la rénovation énergétique du patrimoine public ?
Historiquement, le patrimoine public se renouvelle au fil du temps, en fonction de la capacité des collectivités à réinvestir dessus. Il s’agit souvent d’en améliorer l’usage et le confort. Mais les investissements sont rarement des sources d’économie en matière de coût de fonctionnement des bâtiments. Les investissements en rénovations ou mêmes les constructions nouvelles sont le plus souvent à dépense constante ou en augmentation en matière de coût de fonctionnement, du fait des services supplémentaires rendus.
Depuis les années 2000, la hausse du prix des énergies rend notre patrimoine de plus en plus cher à faire fonctionner, sans aucun service supplémentaire. La simple augmentation du prix des énergies (près de 4% par an) conduit à faire progresser les couts d’usages. Pour rester à budget constant, il faut donc soit diminuer le niveau de service, soit baisser les charges de fonctionnement au travers d’investissements adéquats. C’est cette seconde option qui est visée aujourd’hui : permettre des baisses de couts de fonctionnement, sur le poste énergétique.
Par ailleurs, de moindres consommations d’énergie vont tout à fait dans le sens des objectifs de notre plan climat territorial qui vise à minimiser les émissions de gaz de effets de serre. Lorsque l’on sait que près de la moitié de ces émissions sur la métropole proviennent du bâti, s’attaquer aux bâtiments publics les moins isolés est une mesure de bon sens.
Pourquoi créer une Société Publique Locale ?
L’objectif des entreprises publiques locales est multiple (les SEM et SPL comme on les appelle). La première raison de privilégier une société de ce type est l’assise territoriale. Quasiment tout ce dont nous allons parler pourrait être réalisé en régie. Mais une régie ne travaille que pour son territoire, sa limite est sa propre frontière géographique. Lorsque l’on développe des savoir-faire pointus sur une collectivité territoriale, cela demande d’investir dans des compétences et des outils sans que cela soit possible de les partager avec d’autres collectivités (d’autres communes ou d’autres EPCI). Sauf à être une très grosse collectivité et avoir suffisamment de charge pour pouvoir équilibrer le cout de la montée en compétence, gérer en régie risquerait d’être couteux. Une collectivité pourrait se retrouver surdotée, quand celles d’à côté pourraient ne pas disposer de la compétence ou même, la dupliqueraient. Créer une entreprise publique locale, outil de droit privé présentant la souplesse et l’efficacité de l’entreprise, permet d’assoir cette compétence sur un territoire ouvert, beaucoup plus large, au travers d’une adhésion de plusieurs collectivités au projet. Il s’agit donc bien d’une mutualisation des savoir-faire au service d’un territoire, une rationalisation des compétences en quelque sorte. Il est donc assez logique qu’une métropole soit à l’initiative.
Dans la boite à outils des entreprises publiques locales, on retrouve deux types de sociétés : les SEM (Société d’économie mixte) et les SPL (Société publique locale). Les deux ont leurs avantages … et leurs inconvénients ! Pour faire court, la SEM ouvre une partie de son actionnariat à des entreprises du public et du privé, avec la contrepartie de pouvoir candidater sur tous types de marchés (publics, privés et quel que soit le territoire). De son côté, la SPL a un actionnariat 100% public qui lui confère un statut de « quasi-régie » (statut In house en droit européen) et peut donc candidater directement sur les marchés de ses actionnaires, sans obligation de mise en concurrence. En contrepartie de ces avantages, sa limite est de ne pouvoir travailler que pour ses actionnaires. Impossible donc d’aller sur le marché concurrentiel comme les SEM.
Vu des collectivités qui sont à la fois actionnaires et prescriptrices de ces sociétés, il y a une logique à travailler avec une SPL puisque le lien est le plus étroit. Lorsque l’on souhaite lui donner un contrat, l’absence de mise en concurrence élimine tout risque que cela ne se passe pas comme prévu. Cela permet également de missionner la SPL de façon ouverte sur les phases « amont » d’études préalables. Néanmoins, là encore, une collectivité n’a pas forcément toute la charge nécessaire pour trouver l’équilibre financier sur les compétences développées. Il peut être utile de pouvoir candidater en dehors de ses actionnaires, soit du public ou parapublic non actionnaire (autres collectivités, Etat, universités, marine, hôpital, etc …), soit sur du privé, mais c’est rare. Dans ces cas-là, seule une SEM est pertinente.
Un dernier avantage de ces outils est le contrôle de l’allotissement des contrats. Une dernière possibilité aurait pu être pour la collectivité de passer des contrats privés en direct. Des entreprises privées savent répondre à ce type de cahier des charges. Dans le cadre de gros contrats, l’intérêt des entreprises publiques locales est d’autoriser le tissu économique local à candidater, tout en contrôlant les risques. En effet, peu d’entreprises privées locales ont l’assise financière pour candidater à des contrats de plusieurs millions d’euro. Passer ces contrats directement sur une mise en concurrence privée conduit nécessairement à voir arriver des consortiums où le « prime » est le plus souvent une très grosse entreprise nationale, arrivant avec ses propres ressources et ses sous-traitants. Même si cela se fait souvent en prenant des entreprises locales, les marges sont souvent mal redistribuées sur la chaine de la valeur, au détriment des sous-traitants (locaux ou pas). Le fait de passer par une SEM ou SPL permet d’allotir le marché global en petits lots, beaucoup plus accessibles pour les entreprises du territoire, qui peuvent alors candidater si elles le souhaitent. Il s’agit donc bien aussi d’une façon de travailler qui rend plus accessible nos marchés à notre économie locale.
Dans le cas qui nous concerne aujourd’hui, la collectivité souhaite maintenir un lien étroit entre les contrats de rénovation énergétiques de ses bâtiments et le suivi de ses contrats. La logique de la SPL est celle qui permet le plus de proximité et de contrôle. Par ailleurs, la SPL permettra de s’ouvrir à toutes les autres collectivités du territoire qui souhaiteront rentrer dans une démarche similaire. Certaines regardent déjà le démarrage avec un œil bienveillant.
Pourquoi une SPL avec Bma ?
Il eut été possible de créer une SPL dédiée à la question énergétique. C’était d’ailleurs la première option travaillée en début du mandat, mais elle n’a pas vu le jour. L’idée est aujourd’hui de profiter des compétences déjà présentes dans une de nos SEM pour les développer, plutôt que d’en créer de nouvelles à côté.
Aujourd’hui Brest métropole aménagement est une SEM qui a permis depuis 10 ans de produire de nombreux projets emblématiques sur l’ensemble du territoire de la métropole (voir le lien vidéo ci-dessous). Elle a travaillé initialement sur le secteur de l’aménagement du territoire (d’où son nom). Depuis près de deux ans, elle a absorbé la SEM Tram (SEM TCSP) après que celle-ci eu mis en œuvre le projet du Tramway, puis celui du Téléphérique. La SEM Bma s’est ainsi dotée d’une compétence sur la mobilité.
Toutefois, le projet des Capucins étant bien avancé, il s’agissait de penser le devenir des compétences de notre SEM, au regard des besoins de la métropole, voire d’un territoire plus large. La question de la mise en place de contrats de rénovation énergétique sur des bâtiments publics allait bien avec les compétences déjà présentes dans Bma. Toutefois, le format SEM étant moins adapté que celui de la SPL, nous avons lancé la création d’une SPL. Mais il s’agit bien de s’appuyer sur les mêmes compétences humaines, une même équipe dont il conviendra bien-sûr de renforcer les compétences sur ce métier particulier de la rénovation énergétique.
Dans le montage prévu pour démarrer, la SPL Bma ne disposera d’aucun salarié en propre. Tous les salariés resteront comme aujourd’hui dans les effectifs de la SEM et la SPL fonctionnera au travers de mises à disposition, en fonction des projets et des compétences requises. La SEM et la SPL possédant les mêmes objets dans leurs statuts respectifs, la création de la SPL correspond avant tout à un format juridique particulier d’intervention plus qu’à un opérateur supplémentaire, doté de son fonctionnement propre.
Quels seront les montages financiers et techniques pour la rénovation énergétique ?
L’objectif des contrats que souhaitent passer les deux collectivités créatrices de la SPL sont des Contrat de Performance Energétique (CPE) sur des bâtiments publics. Pour la collectivité, il ne s’agit plus tant de définir un bouquet de travaux que de définir les objectifs finaux de performance en matière d’efficacité énergétique pour le bâtiment. Ce sera aux entreprises qui candidateront d’apporter leurs compétences pour atteindre l’efficacité thermique demandée. La SPL contractualisera avec des entreprises sur des performances à atteindre et celles-ci seront observées ensuite sur 10 ou 20 ans. Si ces performances ne sont pas atteintes, des pénalités seront prévues afin d’obliger les entreprises à entreprendre des nouveaux travaux pour arriver aux objectifs auxquels elles se sont engagées. Il s’agira donc de passer ce que l’on appelle des CREM : des contrats de rénovation, entretien et maintenance sur des durées dépassant la dizaine d’année.
L’autre fonction de la SPL sera de contractualiser avec des banques qui financeront les travaux. La collectivité a capitalisé la SPL à 20% du montant des travaux attendus. Le reste sera apporté par des financements bancaires. On parle alors de « tiers investisseur ».
Une fois les travaux réalisés, la collectivité devra rembourser annuellement l’emprunt bancaire, duquel se déduiront à la fois les baisses de charge en matière énergétique et aussi tout ce qui relève de l’entretien courant ou du gros entretien puisque cela sera pris en charge par le contrat. Plutôt que de devoir attendre plusieurs années pour réaliser nous-même ces rénovations sur notre capacité d’investissement limitée, nous accélérons le processus par l’emprunt tout en bénéficiant très rapidement des baisses de charges énergétiques. A la fois nous réalisons des travaux qui sont de toute façon inéluctables (sauf à fermer ces bâtiments) et nous seront ainsi rapidement moins sensible financièrement à la hausse du prix de l’énergie.
Avec la création de cette SPL Bma, notre territoire se dote d’un outil à même d’apporter des réponses supplémentaires aux enjeux de rénovation énergétique des bâtis publics les plus énergivores. Nous agissons ainsi en phase avec les objectifs de notre plan climat, tout en améliorant la qualité des services rendus à la population.
Vidéo présentant les réalisation de Bma sur notre métropole sur les 10 dernières années