Monsieur le Président, Chers Collègues,
Pour les habitantes et les habitants qui regardent peut-être pour la première fois ce conseil métropolitain en vidéo, j’ai un message simple :
Il y a 46 délibérations à l’ordre du jour de ce conseil qui montrent que Brest métropole avance, se transforme, se développe, et son carburant, c’est l’Europe ! Donc le bulletin de vote que vous glisserez - ou pas ! - dans l’urne dira qui va décider là-bas de notre avenir ici…
Il est bon de le rappeler, à l’heure où 74 % des jeunes interrogés par le Journal du Dimanche déclarent qu’ils n’iront pas voter aux élections européennes le dimanche 26 mai prochain, et que d’une manière plus générale 59 % des français du panel IFOP interrogé il y a quelques jours ont l’intention de s’abstenir. Quand on connait comme je le connais l’importance de l’enjeu, ça fait froid dans le dos…
A bon entendeur : toutes les délibérations de ce conseil sont concernées, toutes, soit directement par des fonds, soit indirectement du fait de l’environnement réglementaire, par des politiques européennes, et certaines, comme par exemple la numéro 24 procèdent directement d’un programme européen.
Renewable Energy Region, c’est le nom de ce projet, est un exemple parfait pour décrire comment l’Europe nous aide à projeter la métropole dans l’avenir en relevant le défi majeur de ce futur si incertain : accélérer les transitions, mais de manière solidaire avec les territoires qui sont en interdépendance avec la métropole. L’Europe ça aide à innover, à avancer plus vite, et surtout avec tout le monde !
Dans RegEnergy il s’agit de créer une alliance avec la Communauté de Communes du Kreizh Breizh (du centre Bretagne) pour produire de l’énergie renouvelable, et que chacun puisse répondre aux objectifs issus de l’urgence climatique.
Nous amenons le projet, l’argent européen du projet, et nous mettons à disposition l’ingénierie complexe pour développer le projet - ils sont le territoire où va se produire l’énergie décarbonnée dont nous avons besoin tous ensemble. Sans l’opportunité de cette coopération Interreg, aurions-nous seulement eu l’idée de ce partenariat original, et surtout combien de temps aurait-il fallut pour que nous trouvions les moyens pour le réaliser ?
L’Europe est partout dans nos politiques publiques, surtout dans les plus innovantes et les plus solidaires, ce projet du contrat de réciprocité Ville-Campagne avec le Pays du Centre Ouest Bretagne nous le prouve. C’est la raison pour laquelle nous avons adopté le 1er février dernier une Stratégie Métropolitaine Européenne de Territoire : pour donner à lire ces enjeux et pour fédérer tous les acteurs autour d’un plan d’action à construire ensemble pour capter toutes les opportunités possibles et parer ensemble les menaces potentielles.
Freiner la construction européenne, réduire son ambition, diminuer ses moyens, c’est mettre Brest Métropole en panne. Si vous aimez ce territoire, si pour vous « ici c’est Brest » ça veut dire qu’on est bons parce qu’on sait faire ensemble, alors votez aux européennes, et votez pour des gens qui ont de l’ambition pour l’Europe.
Loin des clichés d’un ramassis de lobbyistes sans âmes et de technocrates malfaisants, l’Europe peut tout à fait ressembler à ce que nous essayons nous-même de bâtir à la pointe bretonne : une alliance de territoires engagés pour que chacune et chacun de ses citoyens, quels que soient ses besoins, y compris d’être protégé et accompagné, ait le meilleur avenir possible dans un monde vivable. Nous, petit territoire excentré à la pointe, nous métropole coopérative, nous territoire maritime ouvert et confronté à la mondialisation, nous avons terriblement besoin d’une Europe au service de notre projet de développement durable, protectrice des solidarités et de l’intérêt général.
Comment faire ? Sachez que les nouvelles politiques européennes pour la période 2021-2027 seront décidées par les nouveaux parlementaires. Ce sont eux qui vont décider du cadre et des ressources de notre futur développement.
Je m’explique. Les fonds de cohésion représentent presque 1 milliard d’euros pour la Bretagne dans la programmation 2014-2020 – et je ne vous parle même pas de la politique agricole commune, des fonds spécifiques pour les laboratoires de recherche ou des prêts massifs pour les grands projets dits prêts Juncker. Pensez-vous une seconde que nous pourrions faire sans ? Que notre Etat national abonderait magiquement sa dépense publique pour financer nos projets de développement local, et pas les siens en priorité ?
En France, ce sont les collectivités locales, quelles que soient leur taille et leur richesse, qui sont en première ligne pour faire face aux défis de la transition. Lutter contre le réchauffement climatique, construire des plans alimentaires locaux, augmenter la part du bio dans les cantines, faire en sorte que tous aient accès au numérique et sache s’en servir… l’Etat-nation sur tous ces sujets est inefficace, voire défaillant, voire dysfonctionne, et c’est l’Europe, dans une relation directe, qui nous donne les moyens d’agir, d’organiser notre résilience locale avec nos territoires alliés, nos coopérations.
Encore quelques chiffres pour convaincre les derniers sceptiques. Entre 2014 et 2018 ont été programmés :
- 11,8 millions d’euros de Fond Social Européen pour des actions d’insertion sur le territoire du Pays de Brest
- 11 millions d’euros de FSE pour les actions de formation professionnelle du programme Bretagne Formation de la Région
Je me permets de souligner que ces fonds bénéficient en direct aux habitantes et habitants du pays de Brest qui sont concernés par le retour à l’emploi ou la formation : l’Europe c’est pour les gens, pas seulement pour les grands équipements ! - 38 millions d’euros de FEDER, le fond européen de développement, dont par exemple 15 millions pour le nouveau quai des énergies marines du port qui représente notre avenir industriel et 4 millions pour le téléphérique
- 10 millions de FEDER au titre des projets de coopération territoriale européenne où des acteurs du territoire sont partenaires comme IFREMER, l’UBO, le Technopôle, la Maison de l’Emploi …
A travers l’enveloppe de 10 millions d’euros de FEDER dont la programmation est confiée à la Métropole, l’Europe accompagne des projets qui sont le visage de la Métropole de demain : le transport urbain collectif en site propre, le futur pôle d’échange multimodal de la gare, la réhabilitation thermique du parc de logement social de plusieurs bailleurs sociaux sur le territoire, le futur portail numérique de services aux familles… ce ne sont que quelques exemples.
Envoyer au parlement des élus motivés par la construction européenne, donner plus de pouvoir aux parlementaires par rapport aux Etats nationaux pour réguler la financiarisation du monde et faire à nouveau prévaloir le citoyen et la planète, c’est notre meilleure assurance vie dans un monde de géants pas toujours démocrates et jamais désintéressés.
L’Europe n’a rien d’une chimère opaque et distante, elle structure et irrigue le quotidien de chacun : droits politiques, droits sociaux, droits économiques, liberté de circulation. Nos voisins du Royaume Unis commencent à s’en rendre compte, eux qui voient avec angoisse poindre la fin de cette citoyenneté européenne. Ils commencent à comprendre qu’ils vont être livrés, isolés et faibles, à l’appétit des économies prédatrices dirigées par les populistes ultralibéraux qui exercent le pouvoir à l’Est comme à l’Ouest.
Pour autant la réalité européenne d’aujourd’hui – je dis bien la réalité, pas ce qu’on en fantasme aux extrêmes – ne me satisfait pas. Livrée aux eurosceptiques et aux populistes, elle a perdu son souffle. J’ai coutume de dire que l’Europe est la plus belle idée après la République. Et j’ai bien l’impression que ni l’une ni l’autre ne tiennent plus leurs promesses. Pour autant réduire le débat à « tu l’aimes ou tu la quitte » n’est qu’un cadeau naïvement offert aux démagogues. Ni l’Europe ni la République d’aujourd’hui ne sont les seules possibles. Je suis une frustrée d’Europe et c’est bien pour cela que je veux m’engager dans le débat pour changer ce qui doit l’être. Dans l’esprit des fondateurs, l’Europe ne peut être que sociale, universaliste, ouverte et pluraliste, aux avant-postes du progrès humain, autant que protectrice des droits et des libertés.
Si l’on gouvernait simplement plus de 500 millions d’européens d’un coup de menton viril, ça se saurait. Ce monde est complexe, imbriqué, interconnecté. Individualisé. Pour gouverner l’Europe il faut une vision partagée, convaincre, susciter des alliances, bâtir des programmes, bref, faire de la politique. Nuancée. Participative et aussi un peu experte. Pragmatique, qui règle les vrais problèmes.
C’est un peu comme pour la métropole, Monsieur le Président – et oui, on est toujours le grand machin technocratique de quelqu’un... Pour autant chacune des délibérations qui vous sont présentées ce soir disent le souci d’avancer dans le réel sans se payer de mot, ni pour autant renoncer à nos idéaux. Face aux transitions, à ses crises, c’est la démocratie et le faire ensemble qui sont en jeu. L’Europe est l’une des réponses les plus efficaces à ces enjeux mondiaux et à leurs traductions locales, pas le nationalisme étroit. « Ici l’avenir se dessine à plusieurs » peut-on lire au 3ème étage de la métropole. Parce qu’ici nous savons la puissance de l’action collective au service de notre destin commun, nous sommes la pointe avancée de cette Europe telle que la voulait Simone Veil, première présidente du parlement européen (entre 1979-1982). Je la cite :
« Se fixant de grandes ambitions, l’Europe pourra faire entendre sa voix et défendre des valeurs fortes : la paix, la défense des droits de l’homme, davantage de solidarité entre les riches et les pauvres. L’Europe, c’est le grand dessein du XXIème siècle. »
Soyons à la hauteur de cette grande voix. Le 26 mai prochain, soyez, soyons au rendez-vous de l’histoire du 21ème siècle. Au rendez-vous de notre histoire.
Je vous remercie de m’avoir écoutée.