Bonjour à toutes et tous,
Je suis très émue.
Je suis émue, pour deux raisons très personnelles.
La première : c’est la fierté de présenter aujourd’hui ma ville de cœur, cette ville
qui domine l’une des plus belles rades du monde.
Finistère signifie fin de la terre. Mais nous, brestois, finistériens, nous savons
qu’en réalité, c’est le début de la terre, là où tout commence ;)
Brest est une ville portuaire avec ses différents ports - militaire, de commerce et
de plaisance -, une ville industrielle, engagée dans la transition écologique et la
protection environnementale, une ville de recherche et d’innovation, mais aussi
une ville sportive.
C’est une ville qui se dévoile doucement, elle n’est pas exubérante, elle n’est pas
expansive, mais elle est fière. Fière par son histoire ouvrière, fière par son
climat… rude parfois. Fière par son histoire militaire.
Entièrement détruite plusieurs fois dans son histoire, c’est une ville qui se
reconstruit sur elle-même. Elle a toujours su se redresser face à l’adversité. Elle
sait affronter les éléments sans jamais baisser la tête. Une ville résiliente.
Peut-être vous en êtes déjà aperçus : Brest n’accueille pas par une tape dans le
dos ;) Les brestois et brestoises observent, discutent et partagent. Etre au bout
du monde face à l’Océan que l’on ne peut maitriser, amène à travailler ensemble.
Ici la collaboration est vitale. C’est comme ça que notre projet éducatif local s’est
construit depuis plus de 20 ans maintenant. C’est là que réside le deuxième motif
de fierté, aujourd’hui. Tout ce que nous avons mis en place dans le champ de
l’éducation.
Mon émotion est encore plus forte quand je me souviens qu’il y a 20 ans, j’étais
dans cette salle, jeune professionnelle de l’éducation. Et aujourd’hui, je suis
face à vous dans cette salle et je porte le projet Grandir à Brest.
Mais on ne peut pas débuter ces journées sans un hommage à ses enseignants,
personnels de service durement touchés, je pense bien sûr à Dominique
Bernard, lâchement assassiné par un terroriste islamiste le vendredi 13 octobre
dernier, et Samuel Paty assassiné lui aussi le 16 octobre 2020.
Morts, parce qu’enseignants.
Par ces actes barbares, c’est le pilier fondateur de notre société qui est attaqué,
le savoir, la transmission et l’émancipation pour tous.
Nous connaissons une époque traversée par de multiples défis, de multiples
transitions :
Environnementale, climatique, énergétique, numérique... Toutes ces transitions
bouleversent nos façons de nous identifier, je pense notamment à la notion de
frontière et de culture par le numérique. Il y a 40 ans, l’enseignant détenait les
savoirs, aujourd’hui le savoir semble infini, et serait accessible à tous.
Mais de quels savoirs parle-t-on ? On ne peut pas aujourd’hui accepter que des
jeunes puissent penser que la terre est plate ou qu’ils remettent en question les
théories de Darwin.
Le rôle de l’enseignant se transforme en la vérification des sources et de leur
fiabilité ou du décryptage de fake news.
Il me semble qu’il y a aujourd’hui une valeur que l’on doit remettre au centre de
nos échanges et de nos politiques publiques, c’est la laïcité. Garante de notre
démocratie, mise à mal par un obscurantisme montant. Je parle de cette laïcité
qui garantit la liberté, dans sa notion humaniste et universaliste, une liberté qui
s’oppose à l’individualisme et au libéralisme. Une laïcité qu’on n’a pas le droit
d’instrumentaliser.
Depuis plusieurs années, le réseau Français des villes éducatrices dénonce
l’absence d’une véritable politique publique de l’éducation, pourtant centrale à
la construction de notre République.
On peut se satisfaire qu’on s’en empare. Mais on aurait préféré un vrai débat sur
la mixité et la réussite pour tous.
Quand on observe les recherches de nombreux experts, les constats ont de quoi
inquiéter. Le travail n’apporte plus ni reconnaissance, ni émancipation, ne
permet plus de mieux vivre ou de progresser socialement. C’est cette notion de
travail qui est remise en cause, c’est la valeur réussite qui se réserve seulement
à certains.
Quand les choix politiques qui définissent l’école ne permettent plus aux plus
fragiles de choisir leur carrière, leur profession mais impose un travail subi.
Quand l’école n’est pas définie par le pouvoir politique comme un lieu
d’émancipation, où on apprend à penser, à critiquer, à se socialiser, à vivre avec
un autre différent de soi par sa culture, sa langue ou encore ses origines sociales.
Quand l’école devient un lieu de compétition, où tout doit aller plus vite et plus
fort, voire un lieu de polémiques loin des préoccupations des français. Alors, on
façonne une société qui a peur de l’Autre. Comment alors espérer que la
confiance soit là ?
Néanmoins l’école ne peut pas tout faire toute seule. Elle ne peut être la seule
responsable. Je voudrais préciser, les enseignants ne peuvent pas réparer tous
les maux de la société. Elle est pourtant l’outil principal pour préparer l’avenir de
nos enfants, de notre république. Et si on arrêtait de penser « école ou élève »
pour penser « Education et enfant » ? Je reprendrais l’adage, « il faut tout un
village pour éduquer un enfant ».
Tout un village, un territoire, une ville, une métropole. Là est notre boussole, ici,
à Brest.
Permettre une coordination réelle de tous les acteurs de l’enfance sur un
territoire pour que l’enjeu fort de l’éducation, donc l’enfant, soit partagé par
tous.
C’est en définissant l’éducation en ce sens que nous avons des défis à relever :
Une réflexion sur la mixité d’abord dans les écoles mais également dans nos
clubs de sport, nos ateliers culturels, nos conservatoires, noscentres de
vacances, etc… Une réflexion autour des moyens donnés aux établissements
publics d’éducation, de la crèche à l’enseignement supérieur en passant par les
lycées professionnels.
Merci Julien Netter de nous amener de nouvelles réflexions que nous
redéployerons en fonction de nos territoires, j’en suis certaine.
Ces dernières années ont été difficiles pour toutes les collectivités :
L’annonce de la scolarisation dès 3 ans obligatoire qui a amené les collectivités à
des dépenses supplémentaires vers les écoles maternelles privées, pour
beaucoup sans compensation ;
L’annonce des dédoublements des classes sans discussions avec les collectivités
propriétaires des bâtiments sous tension. Les petits déjeuners, le savoir nager…
Puis j’ose vous rappeler les protocoles sanitaires transmis 48H avant chaque
rentrée scolaire.
Avec ce nouveau mandat du Président Emmanuel Macron, on recommence : les
évaluations des écoles, les arrêts des aides périscolaires, les fonds d’innovation,
plus de maths, retour des maths, les dates du bac, parcoursup, la réforme des
lycées professionnels, l’école inclusive à marche forcée… et le Président qui se
réinterroge désormais sur les rythmes scolaires !!!
Nous avons besoin de stabilité alors que les familles sont de plus en plus
fragilisées, touchées de plein fouet par les multiples crises et notamment la crise
de la vie chère.
Nous devons être là pour elles, sans ambiguïté.
Je le dis clairement : NON à l’uberisation de l’école, non à la compétition dans
l’éducation, non aux classements, non au manques de moyens, non aux effets
d’annonces permanents. Nous avons tous besoin de pouvoir travailler
sereinement à l’éducation de nos enfants.
Je vous remercie.
Plus d’infos sur : rfve.fr