Nouveaux articles « éclaboussants » sur le prix de l’eau [ici et là]. Brest aurait le prix de l’eau le plus cher des communes de plus de 100 000 habitants. Alors que nous sommes passés en SPL en 2012, le prix de l’eau n’aurait pas baissé. Au contraire, de 2009 à 2013, il aurait augmenté de +14%, passant de 3.71 €/m3 à 4.23 €/m3.
Ce genre d’article fait toujours sensation et est toujours suivi d’une vague de prises de position qui relèvent souvent peu le débat. Pourtant, derrière les chiffres se cachent une réalité bien différente.
Le prix de l’eau ramené au m3 est un indicateur qui ne traduit pas réellement l’augmentation du prix de l’eau pour l’habitant. On le sait, les consommations d’eau baissent de 2 à 3% par an depuis 10 ans, grâce aux efforts faits sur la limitation des gaspillages. A facture constante, le prix de l’eau grimpe donc mécaniquement … mathématiquement devrait-on dire !
Avec une baisse de 2.5% des consommations d’eau, le prix de l’eau ramené au m3 est 2.5% plus cher, alors que la facture moyenne de l’abonné n’a pas varié d’un centime !
Pourquoi globalement la facture d’eau ne baisse-t-elle pas quand il y a des baisses de consommation ? Tout simplement parce que l’ensemble des dépenses liées à l’eau doivent être payées par les factures d’eau. Or, les volumes d’eau produits ont en eux-mêmes une très faible influence sur le coût global de production. Ce qui coûte surtout, ce sont les infrastructures : réseaux et stations, mais aussi les hommes pour faire fonctionner et entretenir l’ensemble.
C’est comme pour une voiture, ramené au nombre de passagers déplacés, cela coûte presque 4 fois moins cher de circuler à quatre qu’à une personne seule. Pour autant, le coût global d’un voyage varie peu lorsque le conducteur est seul ou avec trois autres passagers. Le prix de l’eau c’est pareil, c’est l’infrastructure qui coûte, pas tant les volumes transportés. Même si pour des besoins de facturation, on ramène le prix de l’eau aux m3 consommés.
Dans l’augmentation du prix de l’eau, il y a aussi celle des salaires, des matières premières, de l’énergie, comme dans toutes les industries.
Imaginons le cas d’une hausse des coûts de productions de +1% (ce qui est très minimaliste au regard des variations des coûts de l’énergie, des salaires et des matières premières ces dernières années). Associée à une baisse de consommation de moins 2.5%, cela donnerait une augmentation entre 2009 et 2013 d’un peu plus de 15% du prix de l’eau ramené au m3. Soit un point de plus que celui constaté !
La hausse affichée du prix de l’eau est en grande partie accentuée par la baisse des consommations. Le coût de l’eau n’augmente pas tant que cela. Il augmente bien sûr, mais dans des proportions équivalentes aux autres biens de consommation.
Après, il y a aussi une autre réalité : notre territoire est cher pour la production d’eau. Nous prélevons notre eau dans une rivière et non à une source. Cela nous contraint à la traiter beaucoup plus. Idem sur les rejets puisque nous habitons en bordure de rade et que celle-ci est sensible aux pollutions. Cela nous a obligé à renforcer les stations de traitement avant rejet. Notre territoire étant déjà largement utilisé par l’épandage agricole, nous sommes aussi obligés de brûler nos boues dans un four d’incinération. Enfin, nous habitons un territoire vallonné qui nous contraint à avoir des réseaux complexes, incluant des stations de relevages au lieu de profiter d’un écoulement seulement gravitaire des boues d’assainissement.
Tout cela représente des coûts supplémentaires de production et de distribution qu’il faut bien financer. En tout dernier, vient la redevance de l’Agence de l’eau qui, compte tenu des enjeux agricoles bretons, est aussi significativement plus chère qu’ailleurs.
Alors oui, c’est plus cher de produire et d’assainir de l’eau à Brest, mais ces variations de prix entre territoires ne concernent pas forcément que le prix de l’eau : coût du logement, coût des carburants, coût de l’alimentation dépendent aussi des lieux d’habitation et pèsent bien plus significativement dans le « panier de la ménagère ».
Enfin et pour conclure en tordant le cou à certaines critiques, ce n’est pas le prix du nouveau siège d’Eau du Ponant qui fait grimper la facture et encore moins les jetons de présence des administrateurs.
Les 6 millions d’euro du nouveau bâtiment d’Eau du Ponant ont été empruntés à la banque. Les mensualités des remboursements de cet emprunt sont égales aux loyers que nous payions auparavant pour loger tous les services d’Eau du Ponant. Dans une quinzaine d’année, nous serons alors propriétaire et non plus locataire. Il s’agit donc bien d’ un choix de bon père de famille et non d’une élucubration fastueuse , comme on peut l’entendre. Quant aux jetons, les 300 € qui indemnisent chaque élu coûtent moins de 20 centimes d’euro par an sur une facture moyenne de 350 €. Si cela devait être un axe de réduction de coût, il serait bien maigre car une entreprise mal gérée finit par coûter bien plus chère que cela !
Le prix de l’eau reste un sujet sensible car il est souvent mal compris et que les comparaisons en la matière, même si elles partent parfois d’un bon sentiment, ne sont pas toujours des plus pertinentes. Sous prétexte que l’eau est disponible gratuitement dans la nature, nous voudrions qu’elle arrive au même prix à tous les robinets, cela ne sera jamais le cas.
Grace à la SPL, la gestion de l’eau se fait en toute transparence. Le conseil d’administration est ouvert à plusieurs collectivités de bords politiques différents, mais aussi à des censeurs qui représentent différents types d’usagers de l’eau. Cette transparence et cette diversité d’acteurs autour de la table sont assurément une bonne garantie sur le bon usage de l’argent public et donc aussi le bon prix de l’eau, au regard des objectifs que l’on se fixe.
Le blog de Thierry Fayret : Brest EnVies