Intervention de Marc Sawicki, adjoint au Maire de Brest chargé de la politique éducative locale, au conseil municipal du 19 avril 2011.
Monsieur le Maire, chers collègues,
Nous avons reçu il y a quelques jours le collectif de parents avec Nathalie Chaline. Et je souhaitais qu’ils puissent s’exprimer sur cette véritable casse du service Public.
C’est pourquoi je tiens ce soir à pousser, moi aussi, un véritable coup de gueule et vous dire mon ras le bol.
N’y voyez ni un effet de manche politicien, ni une énième scène d’un acte sans fin de la politique éducative nationale, mais voyez-y un véritable cri de colère de nous élus brestois de la majorité, mais je me fais également porte-parole de nombreux élus nationaux, qui comme moi ont parfois envie de jeter l’éponge face à une politique d’éducation nationale non seulement absurde, inefficace mais j’en suis certain destructrice pour nombre d’enfants.
Je vous citerai ici que quelques exemples et reviendrai sur la question des suppressions de postes.
Le plus absurde : les rythmes scolaires. Voilà maintenant 3 années qu’un ministre nous annonce médiatiquement le passage à 4 jours. Mais également plus de 30 années que tant les scientifiques, les enseignants, les associations et les parents clament à corps et à cri l’absurdité de journées si longues et de rythmes adaptés plus à une industrie du tourisme qu’aux enfants.
J’ai passé un bon nombre d’heures ces dernières années à vous abreuver sur ce sujet (et d’ailleurs je vous préviens que ce n’est pas terminé). Devant une gigantesque levée de boucliers, Luc Chatel accepte de créer une conférence nationale sur le sujet qui passe des mois à recevoir tout ce qui de près ou de loin à trait au monde de l’éducation pour en arriver à ce constat quasi révolutionnaire (constat que vous trouvez sur le site de l’éducation nationale !!) :
Constat
Le système scolaire français compte l’un des plus grand nombres d’heures de cours en Europe. Mais ces heures sont réparties sur un nombre de jours de classe parmi les plus bas.
Les journées de cours sont trop longues pour les élèves. Ce rythme génère fatigue et stress. Il a des conséquences sur les résultats des élèves et sur le climat des établissements scolaires.
Et cette préconisation innovante :
Reconsidérer les rythmes, réaménager la journée et la semaine de cours ne signifie pas moins apprendre, mais mieux apprendre. Des journées trop chargées sont néfastes à l’apprentissage.
Voilà donc des décennies que l’on se bat dans des fiefs chers aux valeurs éducatives comme Brest, pour en arriver à une des décisions les plus absurdes qui soit, et finalement en conclure que ce rythme aberrant est destructeur pour les enfants.
Mais pour pimenter le tout, et là je pense que l’on est dans ce qui se fait de pire au sein d’un Etat, aucune décision sur les rythmes ne sera applicable avant 2013 voire 2014. Ce qui veut dire monsieur le Maire, que nous venons tout simplement d’assister entre 2008 et 2014 au sacrifice pur et simple d’une génération d’enfants qui aura passé une scolarité avec les rythmes les plus absurdes du monde à des fins bassement électoralistes.
Je vous donnerai un second exemple avec les dispositifs de réussite éducative. Pour cette politique, à l’opposé du précédent exemple, voilà une action initiée par un ministre de la majorité actuelle, en 2005 et dont le but initial était, je cite à nouveau :
Le Plan de cohésion sociale (dit plan « Borloo ») comporte, dans son volet « égalité des chances », un volet concernant la réussite éducative.
L’idée maîtresse de ces dispositifs de réussite éducative est de créer, pour les enfants, les adolescents (de 2 à 16 ans) et leurs familles, des dispositifs d’aide sanitaire, sociale, culturelle et éducative, un peu sur le modèle des réseaux d’aides aux élèves en difficultés (RASED internes aux écoles primaires).
Brest s’est engagée sur cette voie depuis 2005, comme d’autres villes une évaluation commune avec l’état, conclue que ce dispositif est une réussite. Et cela sur différents volets, les enfants, les parents, les liens interinstitutionnels et associatifs, à tel point que ce dispositif qui ne concerne que les quartiers prioritaires avait je pense un intérêt indéniable à s’étendre sur tout le territoire brestois.
Nous avons récemment été soumis à un audit de l’état, qui a conclut à la très bonne qualité de notre dispositif et j’en profite pour remercier ici tous les acteurs qui nous accompagnent depuis 2005.
Les objectifs donnés par l’Etat ont été largement dépassés montrant ainsi non seulement l’utilité mais aussi la nécessité d’un tel dispositif.
Et bien, alors que nous reconnaissons la qualité du DRE, alors que l’Etat l’admet également et nous félicite pour sa mise en œuvre à Brest, alors que Fadéla Amara nous promettait il y a un an à Rennes sa prolongation pour une durée de 3 ans, nous apprenons aujourd’hui que le budget du DRE sera fortement réduit. Alors sincèrement je vous le demande à tous ici, quel territoire, quelle famille et quel enfant va-t-on sacrifié sur l’autel des économies budgétaires ? Le courrier du Préfet ne nous le dit pas.
Et je vous fais grâce des diminutions budgétaires sur le contrat éducatif local (environ moins 50%) et sur la baisse du contrat urbain de cohésion sociale qui auront des conséquences très fortes sur notre Politique Educative Locale.
Enfin, un dernier exemple pour prouver la casse systématique du système éducatif, la suppression de postes, comme viennent de l’évoquer les parents présents ce soir. Troisième année consécutive de suppression de 16.000 postes de fonctionnaires de l’état.
Plus de 40.000 postes supprimés en 3 ans. 40 de moins cette année dans notre département. Et d’ailleurs, je vous rappelle qu’au cours du dernier CDEN à Quimper, c’est à l’unanimité que nous avons voté contre cette carte scolaire 2011/2012.
L’objectif de l’Etat semble aujourd’hui de faire passer les moyennes d’élèves par classe de 23/24 à 28/30 et si là n’est pas son objectif, les mesures qu’il met en œuvre y conduisent inexorablement.
Les 2 ans ne seront bientôt plus comptés alors que vous connaissez notre attachement, notre histoire mais surtout notre conviction sur ce choix pour les parents de pouvoir scolariser leurs enfants dès 2 ans. Mais que faut-il encore donner comme preuve de l’intérêt pour les enfants qui y sont prêt, d’être scolarisés dans leur troisième année. Cet arrêt est un coup porté à la politique de mixité que nous tentons de défendre depuis des décennies ici à Brest.
C’est pour toutes ces raisons monsieur le Maire, chers collègues, que je tenais à dénoncer ici cette casse systématique du service public.
Casse que je dénoncerai encore et encore avec mes collègues de nombreuses autres villes de France jusqu’à ce qu’enfin, l’Etat revienne sur les valeurs fondamentales de l’éducation et reconstruise avec nous une véritable politique nationale d’éducation plutôt que de déconstruire voire d’annihiler tous les efforts fait pour donner une véritable place et une véritable chance à tous les enfants.
Je vous remercie.